Le Musée des Beaux-Arts de La Rochelle présente du 8 février au 6 juin 2016 une exposition remarquable d'œuvres restaurées des musées d'art et d'histoire de La Rochelle.
Ces collections, constituées de peintures et d'arts asiatiques issues à la fois des legs de collectionneurs rochelais et de dépôts du musée de la Marine et du Musee Guimet, sont de grande qualité et n'avaient encore jamais été montrées.
En 2005, la redécouverte dans les réserves d'une exceptionnelle série de peintures chinoises d'exportation, attribuées à Youqua, a été l'élément déclencheur d'une importante campagne de conservation et de restauration de ce fonds.
Dans le cadre de ce projet majeur, j'ai été contactée par les musées d'art et d'histoire de La Rochelle à propos des peintures appartenant au fonds japonais.
Celles-ci font partie d'un ensemble d'œuvres déposé par le Musée Guimet en 1929 et elles couvrent un large panorama de styles et de sujets de l'époque d'Edo (1615 - 1868), parmi lesquels une magnifique Kannon de Kanô Yasunobu (1796-1846) ou encore un Gama Sen'nin sur les flots d'une grande expressivité peint par Tani Bunchô (1763-1840).
Kannon avant restauration / après restauration
Ces œuvres étaient dans l'ensemble dans un état de grande fragilité structurelle et montraient de nombreux dommages. Certaines ont également présenté une problématique supplémentaire, d'une grande complexité, à savoir le choix du style de la monture, une fois l'œuvre restaurée. Au Japon, la monture est à la fois une nécessité et une part intrinsèque de l'œuvre. Le genre iconographique auquel est associée la monture, le goût différent de chaque époque tout comme celui, plus personnel, du monteur ou du commanditaire, sont autant de facteurs qui peuvent expliquer la variété des montures du rouleau vertical. Cette variété est cependant loin d'être chaotique, incohérente ou désordonnée. Elle est au contraire très structurée, répertoriée et répond à un classement bien précis. Or le style de monture de la peinture dite Gama Sen'nin sur les flots était inapproprié au sujet représenté dans la peinture.
Le choix d'un changement de style de monture pose cependant plusieus problèmes dont celui de pouvoir ou non réutiliser les soies d'origine. En effet, pour différentes raisons, que ce soit du point de vue de l'éthique de la conservation ou de l'histoire de l'œuvre, il est d'usage de conserver autant que faire se peut les matériaux d'origine. Cependant il ne faut pas pour autant négliger la dimension culturelle qui est un véritable enjeu lors de la restauration d'un rouleau vertical japonais, et qui de manière plus générale est caractéristique des problématiques liées à la conservation et à la restauration des œuvres expatriées.
Aussi, après de nombreux échanges avec les différents conservateurs, il a été convenu de ne pas remonter l'œuvre à l'identique mais de modifier le style de la monture. Cette modification permettait qu'elle soit plus en adéquation avec le sujet de l'œuvre, comme préconisé dans le classement des styles de montures traditionnelles au Japon.
Gama Sen'nin avant restauration / après restauration
Cette exposition est ainsi l'occasion d'admirer le fruit de l'importante campagne de conservation et de restauration du fonds de peintures et d'arts asiatiques, qui s'est échelonnée sur plusieurs années. Ce peut-être aussi l'occasion de découvrir le style particulier, évocateur et séduisant, des œuvres de Youqua, peintre chinois du 19ème siècle qui a travaillé à Canton puis Hong Kong pour fournir les voyageurs et marchands occidentaux, ou encore d'aller admirer des œuvres inédites chinoises et japonaises plus traditionnelles, peintes sur papier ou sur soie, en couleurs ou à l'encre monochrome auxquelles la restauration aura permis de redonner un second souffle.
De couleurs et d'encre
Du 08 Février 2016 au 06 Juin 2016
Musée des Beaux-Arts 28, rue Gargoulleau 17000 LA ROCHELLE