Le rouleau vertical est composé de différents éléments, principalement du bois, pour les bâtons du haut et du bas ou encore pour certains embouts, mais surtout de la soie et du papier. En effet, le kakejiku est réalisé avec une ou plusieurs soies en fonction du style de monture, lesquelles sont doublées avec différents papiers. Les papiers employés traditionnellement pour le doublage des rouleaux verticaux sont toujours les mêmes. De plus, ils sont utilisés dans un ordre bien établi. Mais le papier peut également « passer dans la lumière » et remplacer les soies de montage. Ce style de montage, entièrement réalisé en papier est alors appelé kami-hyôgu 紙表具.


Les textiles employés dans le montage : Hyôsôgire 表装裂


hyogu 5A l’origine, les soies qui furent utilisées dans le montage des peintures sur rouleaux verticaux n’étaient pas expressément tissées pour cet usage. Les monteurs utilisaient alors des soies venant de l’habit monastique des prêtres bouddhistes (comme le kesa 袈裟) ou encore des kimono 着物 (portés par la noblesse) anciens ou délaissés. L’attrait pour les textiles s’expliquerait dès l’époque de Heian par le fait que l’intérieur dans lequel vivait l’aristocratie était alors relativement sobre et dépouillé, pour des raisons fonctionnelles. Aussi les textiles apportaient l’occasion d’égailler cet environnement, sous formes de tentures ou bien directement dans les costumes, où les superpositions de kimono et les jeux de couleurs étaient extrêmement complexes à l’époque de Heian.

Ce n’est que relativement tardivement que des artisans se consacrèrent au tissage de textiles réservés spécifiquement à l’usage du montage des peintures sur rouleaux verticaux. Il est donc possible de distinguer deux types de montage : ceux antérieurs à 1882, qui furent réalisés en réutilisant des textiles ayant le plus souvent une origine vestimentaire, et ceux postérieurs à cette date qui peuvent employer aussi bien des textiles tissés spécifiquement pour le montage que provenant d’anciens vêtements.

Du fait des origines vestimentaires des textiles employés dans le montage des rouleaux verticaux, nous trouvons une grande variété de textiles qui ont été ou sont encore employés à cet usage. Cela va du textile le plus simple, uni, au brocart le plus richement décoré.

Les textiles peuvent être tissés à partir de fibres d’origine animale, comme la soie ou la laine, ou de fibres végétales, comme le coton ou le lin. Le fil de soie reste cependant le matériau qui compose la grande majorité des textiles employés dans le montage.

Les motifs que nous pouvons observer sur les soies utilisées dans le hyôgu, reflètent ses origines et l’époque où le monteur se servait des textiles inutilisés par la noblesse ou la communauté monastique. Il existe une très grande variété de motifs dans les textiles employés dans le montage des rouleaux verticaux répartis en trois catégories principales à savoir, les motifs animaliers (les animaux mythiques ou légendaires et les animaux réels), les motifs floraux et végétaux comme la fleur de lotus rengei 蓮華, la pivoine botan 牡丹, ainsi que le chrysanthème kiku 菊, et enfin les motifs géométriques (losanges, damiers ou triangles).

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Les différents textiles utilisés dans le montage

hyogu 1Le kinran 金襴, que l’on peut traduire par le mot brocart, est aussi parfois appelé shokkin 織金, qui signifie « tissé avec des fils d’or ». Il fut autrefois utilisé dans la confection de vêtements pour des personnages de la noblesse, mais aussi dans celle de costumes de théâtre Nô pour sa brillance.

Le textile estampé dit inkin 印金 est une soie estampée avec un motif réalisé en apposant une feuille d’or par-dessus un cache orné des motifs désirés. Cette technique, antérieure au tissage avec insertion d’un « fil d’or » que nous retrouvons dans le kinran, aurait été le plus souvent réalisée sur de la gaze de soie.

Les gazes de soie : ra 羅 , ro 絽, sha 紗 et Takeyamachi 竹屋町 sont tissées à partir de fils de chaîne entrecroisés. Le résultat, dû au tissage même de la gaze de soie, est plus aéré, lui conférant une impression de fragilité.

Le satin donsu 緞子 est tissé avec la technique qui caractérise les textiles satin, c’est une soie damassée, c’est à dire une soie monochrome dont le dessin, mat sur fond satiné, est obtenu par le jeu des armures.

Le brocart dit fûtsû 風通 est réalisé avec une technique alternant deux fils de chaîne de couleurs différentes, appelée futaeori 二重織り. Le résultat est un tissu ayant une couleur d’un côté et une autre au revers qui donnent une impression de négatif et de positif.

Le textile sergé aya 綾, est reconnaissable à ses côtes obliques, qui sont le résultat de son armure sergé.

Le textile à rayures dit kantô 間道 est généralement conçu avec des fils de soie dont les rayures peuvent être droites, classiques, mais aussi ondulantes.

L’ « indienne » dite sarasa 更紗 est un des rares textiles qui soit tissé entièrement avec des fils de coton et non de soie, ou avec un mélange coton et soie.

Les textiles unis dits muji 無地, désignent des tissus unis, sans motifs.

Le papier japonais ou Washi 和紙

Ce papier aux qualités multiples détient une place véritable dans la culture japonaise. Ainsi, ce matériau qui fut un véhicule d’information et un support d’expression artistique, fut également employé pour l’isolation et la séparation des pièces et comme substitut au textile pour la fabrication de vêtements ou encore dans celle de multiples accessoires. De nos jours, sa renommée dépasse les frontières du Japon et nous le retrouvons de plus en plus souvent utilisé dans différents domaines, tels que celui de la restauration d’œuvres occidentales, allant des œuvres d’art graphique à la peinture à l’huile, où le washi est employé comme bande de tension pour tendre la toile de lin ou de coton de la peinture une fois sortie de son châssis.

Les différents papiers employés dans le doublage des soies ou du papier, constituant le « cadre » du rouleau vertical, mais également de l’œuvre, sont principalement au nombre de trois. Il arrive en effet qu’un autre type de papier ait pu être utilisé lorsqu’il s’agit d’un ancien rouleau vertical ou, même de nos jours, lorsqu’il s’agit d’un cas particulier. Toutefois, tous les monteurs que nous avons rencontrés s’accordent pour dire que la réalisation d’un rouleau vertical nécessite trois types de papier : le Mino-gami, le Misu-gami et le Uda-gami. Tous ont en commun d’être fabriqués à partir du kôzo et donc d’être des papiers flexibles, du fait de la longueur des fibres qui le composent. Cette caractéristique explique également la bonne adhésion de ce papier à d'autres surfaces, ce qui en fait un choix idéal pour le doublage. Chacun est employé à un moment donné du montage et dans un ordre bien défini.

 

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